Compte-rendu du Stage d'Aïkido animé par Léo Tamaki du Samedi 14 Mars 2015 au Dimanche 15 Mars 2015 à La Garde
Commentaire
Léo Tamaki – 14 & 15 mars 2015 – Toulon (La Garde)
Léo Tamaki était invité pour la première fois à Toulon par le Cercle d’Aikido Traditionnel de la Garde (AJS La Garde).
Depuis fin décembre, j’arrive de nouveau à aller régulièrement aux stages de Kishinkai, et notamment ceux de Léo depuis début janvier. S’il y a deux semaines à Grenoble, je m’étais trouvé plus détendu que lors des deux stages précédents, signe que je ré-imprégnais mon corps des sensations et du relâchement, j’ai réussi à rester sur cette dynamique. Comme je ne pense pas pouvoir participer à un stage de Léo avant mai (Kishintaikai ou Grenoble), j’espère réussir à garder le cap. Heureusement, il y aura Tanguy Le Vourc’h à Lyon du 20 au 22 mars !
Environ 50 pratiquants étaient présents, dont une grande majorité découvrait la pratique de Léo. Quelques-uns l’avaient déjà vu une ou deux fois et nous n’étions que 3-4 à le suivre plus régulièrement. Je suis resté en bonne partie avec ces quelques pratiquants, mais les autres personnes avec qui j’ai pratiqué ont dans l’ensemble vraiment mis de la bonne volonté pour faire ce qui était demandé, ce qui est vraiment appréciable !
Compte-tenu du nombre de pratiquants découvrant sa pratique, Léo a reposé les bases et le contexte de son travail. Voici les points qu’il a reprécisés :
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Il n’y a pas d’intérêt, martialement parlant, à venir saisir fortement et à se figer dans le sol. Les saisies fortes étaient justifiées du temps de l’essor du judo au Japon et des « rencontres » qui étaient organisées pour décider quel art martial devait être enseigné aux forces de police (ou autres), rencontres qui se déroulaient selon les règles du judo, à savoir dans ce cas-là, sans frappe. Cependant, tout comme Takeda Sokaku et O-Sensei l’ont fait, il faut savoir faire évoluer la pratique pour l’adapter à l’époque, au risque de voir décliner l’intérêt pour notre discipline.
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Il ne faut pas frapper le sol en chutant, même si ça peut arriver en étant pris de court, car cela n’est pas envisageable sur un sol dur ou sur un champ de bataille avec des cailloux, armes...
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Les mouvements au bokuto ne sont pas « larges », autour de soi il peut y avoir les alliés sur le champ de bataille, les murs et plafonds lors des combats en auberge, etc.
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Tori ne doit pas compter sur uke pour que celui-ci maintienne la saisie. Dans les koryus, la première chose qui est faite est de venir renforcer cette saisie (comme vous pouvez le voir par exemple sur cette démonstration du shinbukan ici à 17 secondes).
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Le combat va trop vite pour rechercher de la stabilité, il s’agit de travailler sur son équilibre.
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Il ne faut pas compter sur ses capacités physiques : le partenaire est plus grand, plus fort, etc., les samurais pouvaient se battre de l’aube jusqu’au soir, avec 30-40 kg d’équipement de
7 à 77 ans (raté, ça c’est pour les jeux ! là on est plutôt sur la gamme 12 – 70 ans).
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Uke doit attaquer pour mettre tori en légère difficulté, mais pas trop sinon il ne pourra pas
progresser.
Comme d’habitude, la suite du compte rendu est dédiée à la description technique du travail au cours des trois demi-journées.
Samedi matin
Le cours débute par l’échauffement habituel, avec notamment mae ukemi et ushiro ukemi. À plusieurs reprises pendant cette phase préparatoire, Léo insiste sur le fait que l’amplitude du mouvement n’a aucune importance. Il s’agit seulement de prendre connaissance de ses zones de tensions.
Gyaku hanmi katate dori – shiho nage : avec comme consigne pour uke de donner une contrainte en poussée. Léo nous a fait travailler longtemps cette technique, en ajoutant au fur à mesure des consignes :
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Tori doit réaliser le geste en s’harmonisant à la direction du mouvement (awase) et à la vitesse/intention (musubi). Léo traduit les notions d’awase et de musubi par « harmonisation et union » (source : interview).
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Venir directement conforter la saisie (comme indiqué en début de document).
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Protéger sa tête derrière le bras d’uke.
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Ne pas regarder uke (pas besoin, il est au bout de son bras).
Pour nous aider à travailler le mouvement, Léo propose alors de le réaliser au bokuto. En partant de la garde geidan no kamae, faire un pivot de 180° avec tenkan pour venir couper de bas en haut un adversaire qui se trouverait initialement dans notre dos, puis pivoter à nouveau de 180°, sur place cette fois, pour couper de haut en bas. L’arme doit rester toujours dans le même plan. Léo insiste sur le fait de placer la conscience dans le bokuto : c’est lui qui initie et dirige le mouvement, le corps doit se placer par rapport à l’arme et ne doit donc jamais arriver avant la lame. Le mouvement doit être réalisé sans arrêt.
Ensuite, l’exercice est réitéré avec un partenaire qui tient le poignet pour vérifier que les directions sont correctes, qu’il n’y a pas d’accélération ou d’à-coups. Il ne s’agit en aucun cas de venir gêner le mouvement de tori.
Enfin, la technique shiho nage est alors à nouveau travaillée.
Gyaku hanmi katate dori – ude kime nage (ici à 1 min 28, sur shomen uchi): pas de consigne particulière, si ce n’est qu’il ne faut pas chercher à contraindre le partenaire (bras de levier, etc.)
Ude kime nage – kokyu nage (kaeshi waza) : sur la technique précédente, Léo nous propose de faire un kaeshi waza, c’est à dire un retournement de technique. Pour y parvenir, il faut s’harmoniser au mouvement du partenaire et ne pas chercher à le contraindre, le contrer. L’amplitude du mouvement du kaeshi waza réalisé dépendra de sa propre disponibilité mais surtout du partenaire (de son mouvement, de sa souplesse, etc.)
Samedi après-midi
Pour mon plus grand plaisir, une partie conséquente de la séance de l’après-midi est consacrée au travail du bokuto.
La séance démarre par des éducatifs. En partant avec les lames en contact (NB : ce qui n’est pas la position habituelle au Kishinkai), l’exercice consiste à induire un mouvement de rotation du sabre du partenaire, dans un sens ou dans l’autre. Le mouvement doit se faire sans avoir d’influence sur le buste ou les hanches. L’exercice est ensuite repris les yeux fermés, avec comme consigne de ne pas les ouvrir pour rechercher la lame du partenaire en cas de perte de contact.
Après cette mise en bouche, Léo propose de travailler en départ arrêté les trois formes de maki otoshi (faire tomber en enroulant, avec un exemple ici à 3 min 27).
La première forme consiste à couper en direction d’un point qui se situe légèrement à côté du partenaire. Léo insiste une fois encore sur la déconnexion entre les bras et le reste du corps. En tant que tori, il ne faut pas jouer avec le poids de son corps, et pour uke, il s’agit de ne pas se laisser déséquilibrer. Pour éviter de pousser dans le sol ou avec le corps, Léo nous propose de prendre la position du flamant rose (et cette fois, il l’a bien dit !). Maki otoshi est travaillé en coupant vers la droite et vers la gauche.
Dans la deuxième forme, le sabre est à 45° par rapport à l’horizontale et à 45° par rapport à la verticale. Il s’agit ensuite d’enrouler pour venir couper au niveau de l’arrière du genou, sans se préoccuper du bokuto du partenaire. Les consignes sont identiques au maki otoshi précédent.
Enfin, pour la troisième version, il s’agit de créer uniquement l’espace suffisant pour entre et piquer à la gorge, avec la lame qui a tourné dans la main.
Pour s’exercer au retournement de la lame, Léo nous fait alors travailler une double attaque : après avoir coupé shomen uchi, il s’agit de couper immédiatement en remontant, avec le tranchant de la lame orienté vers le haut, mais sans avoir modifié sa saisie de la tsuka. Il faut être vigilent que le retournement de la lame ne se fasse pas trop tôt : le premier mouvement doit pouvoir effectivement couper.
Léo nous fait ensuite travailler le suburi de base du Kishinkai. Pour cela, il commence par nous expliquer le déplacement puis nous montre séparément le mouvement des mains. Pour le déplacement, il insiste sur le fait de ne pas avoir de mouvement de rotation (portes à charnières) mais des mouvements les plus rectilignes possibles (portes japonaises) et de ressentir un mouvement de fermeture au niveau de l’aine, mouvement qui se prolonge pour créer l’ouverture. Deux éducatifs sont travaillés ensuite. Le premier consiste à avoir un partenaire qui prend un point de contact sur la fontanelle et l’autre au niveau du coccyx pour vérifier les déplacements. Le second est le même que celui travaillé à Grenoble il y a deux semaines (ou à Dijon l’année dernière) : afin de mettre l’accent sur le relâchement et le fait de ne pas pousser dans le sol (voir l’article d’Éric Grousilliat sur le déplacement musoku de Kuroda-soke), Léo propose alors un éducatif dans lequel un partenaire vient prendre un contact très léger avec l’avant et l’arrière de la cheville, ainsi que le mollet. Il doit alors faire un retour sur les contractions ressenties.
Shomen uchi – uke nagashi (le sabre qui reçoit en faisant s’écouler, ici à 4 min 31) : après avoir travaillé le suburi, nous l’appliquons donc au cas d’une attaque shomen uchi. Concernant le rôle d’uke, Léo demande de se baisser (pas à la matrix mais avec une flexion des genoux, comme ici par exemple), d’une part pour permettre à tori de réaliser son mouvement complètement et d’autre part car cela peut permettre de gagner le temps nécessaire au retour de son propre sabre pour se protéger.
La séance s’est ensuite poursuivie avec le travail à mains nues.
Shomen uchi – irimi nage (ici à 3 min 06) : il faut pouvoir créer le déséquilibre dès la fin de l’attaque. La main à la nuque et celle au bras doivent avoir des directions différentes, sinon il est facile pour le corps de se rééquilibrer ou de se repositionner. Après s’être placé dans le dos du partenaire, c’est le mouvement de recul linéaire qui va créer le vide. La technique est poursuivie jusqu’à l’immobilisation, avec un échange de mains au niveau de la mâchoire pour ne jamais perdre le contrôle. Lorsqu’uke est amené au sol, il doit déjà être sur le côté.
Shomen uchi – jiyu waza
Dimanche matin
Pour débuter ce dernier cours, Léo démarre avec un travail de jiyu waza sur ai hanmi katate dori. Il demande d’aller lentement et de bien chercher à ouvrir le corps en tant qu’uke.
Le reste de la matinée est consacrée au travail des kaeshi waza, qui ne présentent non pas un intérêt en tant que technique, mais pour travailler les principes : awase, musubi, disponibilité...Pour avoir pu être uke de Léo à quelques reprises lorsqu’il montrait la technique à travailler (donc sans savoir ce qui allait arriver), j’ai à chaque fois été surpris du kaeshi waza tellement que Léo y parvenait tranquillement et tout en douceur. Autre point important concernant le travail des kaeshi waza, il ne s’agit pas de réussir à tout prix à les réussir : si le partenaire a réussi sa technique, tant pis, il n’y aura pas de retournement cette fois-ci.
Ai hanmi katate dori – ikkyo : comme pour toutes (?) les techniques, il ne faut pas se concentrer sur le bras, mais sur le partenaire qui est derrière. La technique ne vise qu’à écarter le bras qui gêne pour atteindre le partenaire. Selon la disponibilité du partenaire, il sera nécessaire de descendre plus ou moins bas après être entré. Sur quelqu’un d’un peu raide, de peu disponible, chercher à trop descendre l’ancrera dans le sol et compliquera le mouvement.
Ikkyo - irimi nage (kaeshi waza)
Ai hanmi katate dori – irimi nage : le mouvement ne doit pas venir du poignet mais des doigts.
Irimi nage – sankyo (kaeshi waza) : dès que le retournement de technique commence, donc en étant dos au partenaire, il faut réussir à lui prendre son axe. Il ne faut pas faire des formes où l’on tourne ou se déplace sans avoir une action immédiate sur le partenaire.
Ai hanmi katate dori – nikyo : il faut se concentrer sur le fait de prendre le centre du partenaire. La douleur n’est pas recherchée, mais elle peut survenir.
Nikyo – nikyo (kaeshi waza) : en acceptant la technique du partenaire, il faut garder la disponibilité pour réaliser le retournement de technique. Alors que le premier nikyo est plutôt dans un axe vertical, le second va se faire plutôt à l’horizontal.
Ai hanmi katate dori – ude kime nage : mêmes consignes que la veille Ude kime nage – jiyu waza (kaeshi waza)
Et voilà, c’est la fin ! Ce fut un très bon stage, pendant lequel je pense avoir réussi à débloquer quelques points qui me posaient problèmes depuis quelques temps (irimi nage notamment et une amélioration de mes maki otoshi, même si je contracte encore comme un âne au moment de démarrer ma coupe).
Merci au club organisateur et à Léo !